« Et si on allait à Londres ? »
Je ne savais pas que cette proposition me précipiterait dans l’une des aventures à la fois les plus ennuyeuses et les plus terrifiantes de ma vie. Je ne savais pas.
Histoire de garder un maximum d’argent de côté parce que Londres ou pas, la bière, c’est pas gratuit, j’ai opté pour Eurolines. Et comment vous dire ? Je ne sais plus quelle compagnie a affrété le Titanic, mais je suis prêt à parier que c’était Eurolines.
Nous arrivons à l’aéroport Roissy – Charles de Gaulle, et partons à la recherche du quai. Pour seul réponse, l’agent de guichet nous regarde avec un sourire compatissant. Nous ne savions pas qu’il savait, mais il savait. Il y avait de la pitié dans ses yeux. Un peu la même pitié que vous pouvez avoir quand votre petit chien vous fait la fête et que vous savez très bien que demain matin, le vétérinaire lui coupera les couilles.
J’ai toujours mes couilles, mais Eurolines m’a volé ma dignité. Tout excité devant notre terminal, nous attendons le bus, sans la moindre information, la compagnie ne disposant d’aucun accord avec Air France. En fait, Eurolines se pointe et squatte le parking de l’aéroport comme de vulgaires romanichels. Le parking étant un lieu public, Air France ne peut pas faire grand chose.
Le car arrive enfin, deux heures plus tard. Je suis soulagé, car à 1h du matin, il est trop tard pour rentrer chez soi en RER. Mais d’où vient ce car ? Il y a déjà plein de monde à l’intérieur, qui parlent dans des langues diverses, peut être viennent ils de toute l’europe et Paris est l’avant dernière escale avant Londres. Peut être des pauvres espagnols avaient pris le billet pour Londres en bus avec une escale à Stockholm, je ne sais pas. Ce que je remarque d’entrée de jeu, par contre, c’est qu’il n’y a qu’un seul chauffeur.
Ouaip, un seul chauffeur qui conduisait facilement depuis plus de dix heures en toute illégalité. Je prie en silence. En cherchant des témoignages sur Internet quelques jours plus tard, j’apprends que d’autres passagers eux, le faisaient ouvertement.
Nous arrivons au Tunnel, la douane est incrédule. « Quoi ? Un seul chauffeur ?! », avec le plus grand sérieux du monde et devant l’impossibilité de communiquer avec un chauffeur portugais/romain/martien, elle demande aux passagers si vraiment, nous sommes sur d’avoir un seul chauffeur. « Y’en a pas un autre planqué dans la soute ? » nous demande-t-elle. Elle nous laisse passer quand même. Après tout, les lois françaises ne s’appliquent pas au delà du tunnel ! Pratique !
Le jour se lève, nous arrivons à Londres. La lumière nouvelle me permet de voir aisément que le chauffeur, en plus d’outrepasser probablement les limitations de vitesses, grille allègrement quelques feux rouges. Là où il y a de la gène !
Nous passons quatre jours au pays du pudding. Puis quelques heures avant le départ, c’est le grand frisson.
« Et si on regardait ce qui se dit sur Eurolines sur Internet ? »
Tout le monde sait qu’il ne faut pas googler quand on a un rhume : d’après Internet, c’est forcément un cancer. Et bien, aujourd’hui j’ai appris qu’il ne fallait pas googler. Jamais. JAMAIS.
Mes premières pérégrinations m’emmènent sur Ciao.FR , site de critique…
J’apprends que cette compagnie est spécialiste des pneus qui explosent en cours de route, du chauffeur unique sur un trajet de 15 heures, que les chauffeurs avaient régulièrement l’habitude de demander leur chemin aux passagers (ou du moins d’essayer, car ils ne parlent que polonais). J’ai même eu l’étonnement de constater que dans plusieurs cas, le chauffeur avait fait la quête à l’issue du voyage… Alors que si quelqu’un avait besoin de la bénédiction d’une quelconque divinité, c’était bien ses passagers…
Un article de La Voix du Nord me rappelle que deux ans plus tôt, un car avec son chauffeur de 62 ans endormi s’est planté il y a quelques mètres de chez mes parents : 2 morts.
L’heure du retour vient. Le car est à l’heure. Ma compagne s’endort.
Pas moi.
Je guette.Je suis à l’affut du moindre accident. Je veux pouvoir la réveiller une seconde avant le drame et crier : « Chérie, regarde, on meure ! »
Nous ne sommes pas mort. Pas cette fois-ci. Mais il s’agit encore d’un trajet de 6 ou 7 heures sans la moindre pause et avec un seul chauffeur. Trajet pendant lequel nous avons roulé à de multiples reprises sur les bandes sonores de l’autoroute.
Une fois arrivé, nous prenons une grande inspiration. L’air pollué parisien nous rappelait que nous étions en vie.
Et qui eût cru qu’un jour sur le RER B j’aurais pendant une heure une étonnante sensation de sécurité totale ?
Vous craignez l’avion ? Prenez le bus. Vous n’aurez plus jamais peur.