Zoé couine

Il y a deux articles, j’avais conclus que le journal TV de M6 était la pire chose sur Terre. Je me suis ravisé lors du dernier article, en sous-entendant largement que, en fait, le jeu vidéo Kim Kardashian était VRAIMENT la pire chose sur Terre.

Je suis ainsi passé à côté de la conclusion la plus logique qui soit : la pire chose sur Terre, c’est le journalisme de Jeu Vidéo.

Certains auront déjà entendu parler de cette histoire. D’autres n’en ont rien à foutre des jeux vidéos, mais à ceux là, je dirais « restez quand même ». Vraiment Restez. Ca parle essentiellement de SEXE. Voilà. J’ai votre attention ?

L’AFFAIRE ZOE QUINN

ou 5 hommes et un copain

Vous êtes un éternel adolescent. Vous avez la trentaine, vous négligez, femme, enfant, chien, vous n’êtes pas sportif, vous êtes un déchet social et vos collègues vous évitent étrangement. Il y a de fortes chances que vous soyez comme moi, non pas fonctionnaire mais tout simplement un joueur de jeu vidéo. Pour vous tenir informé des différentes sorties, et de l’actualité vous avez le choix entre différentes options.

  • Les sites de jeux vidéos, dont l’intégralité journalistique est reconnue. (Gameblog, IGN, Eurogamer… ).
  • Les blogs de jeux vidéos, comme RockPaperShotgun, bastion des SJW (Social Justice Warriors), sorte de mouvement philosophique gangréné par quelques hystériques sur lesquels on reviendra
  • Les forums

Jetez tout.

Tout ça c’est de la merde.

C’est fini. Contentez vous de ressortir vos consoles rétros et de réinstaller vos vieux jeux PC des années 90. Ou acheter des jeux vidéos au hasard les yeux bandés dans les magasins. Ne cherchez plus à vous informer. Vraiment.

Depuis une semaine, Internet est en état de siège parce qu’une très mauvaise coucheuse s’est enfilé cinq gars dans le dos de son mec.

Et là, vous me dites « merde, Taxalot, tu racontes quoi ? Tu critiques les Kardashian et tu fais dans le people ? ». Ben, le problème c’est que non. Le problème, c’est justement que les journalistes de jeu vidéo ont considéré l’événement comme du people et l’ensemble comme une preuve « de l’acharnement » et du « harcèlement » d’internautes immatures. Il faut dire que c’est largement plus facile que de faire son autocritique.

Mais commençons par le début, voulez-vous ? Sortez le popcorn. Je sais que que je vous aie promis du cul, beaucoup de cul. Vous inquiétez pas, ça va venir. Tu sens que ça vient là ? Tu le sens ?

Acte I : Cailloux, papiers et hommes-enfants

Les joueurs PC connaissent bien RockPaperShotgun.Com. Il s’agit d’un site Internet specialisé sur cette plateforme. Globalement d’excellente facture, « RPS » a depuis un an ou deux également une autre réputation, celle du journalisme engagé. Engagé contre qui ? Mais contre toi, lecteur masculin, essentiellement.  Enfin contre le patriarcat, c’est pareil. Partant du constat que le jeu vidéo est gangréné de clichés sexistes (constat réel, dans une certaine mesure, mais qui marche dans les deux sens et qui n’est pas que propre au jeu vidéo), RPS s’est équipé du marteau du féminisme et a commencé à taper sur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un clou.

* Un jeu où une des personnages avait des seins, et dans lequel il fallait préférer un personnage « normalement proportionné »

Un personnage correctement proportionné d’après RPS. 

* Un jeu écrit par une femme, mais parait-il profondément sexiste quand même
* N’importe quel jeu qui contient un personnage féminin
* N’importe quel jeu qui n’en contient pas.
* etc etc

Ayant bien conscience que la situation frolait le ridicule à certains moments, certains articles ont vu leur fil de commentaire immédiatement fermé parce que, dixit John Walker, «Et ta mère ?».

Capture du 2014-08-21 17:25:27

Voyez le haut niveau de ces guerriers de la justice sociale ! La cause de la femme est bien défendue. Entre deux articles sur Ms PacMan (sexiste, elle a un bandeau dans les cheveux), Sonic (sexiste, le hérisson femelle est rose), RPS s’engage à défendre les idéalistes progressistes comme Anita Sarkisian, harcelé d’après Wikipedia « parce qu’elle est une femme qui dérange » et en aucun cas parce qu’elle à fait un kickstarter sans valeur ajouté, bien sur , ou des jeux comme Depression Quest de Zoe Quinn, harcelée parce que c’est une femme, et en aucun cas parce que son jeu, malgré son sujet, est globalement à chier.

Ceci est une capture d’écran de Depression Quest. Vous n’aimez pas ? Gros porc misogyne va!

On va bientôt parler de cul. Ne fermez pas l’onglet.

Lors de la sortie de Depression Quest, la pauvre Zoe Quinn s’en prenait donc déjà plein la tronche. Il faut dire que si on a l’habitude de voir beaucoup de branlette intellectuelle pour pas grand chose dans le monde du jeu vidéo indépendant, Depression Quest fournissait vraiment un effort minimal, et certains se sont mis à contester la raison pour laquelle le jeu est sur le devant de la scène à grand coup de « Allons ! Si ça avait été fait par un homme, ce jeu personne n’en aurait parlé ! » . Il y a probablement eu ensuite quelques remarques sexistes disant qu’elle avait du coucher pour y arriver, et quelques rires goguenards.

Jusqu’à ce jour du 16 août 2014, où la vie de Zoé va basculer. Mais Zoé, on s’en fout, comme on le démontrera plus tard, c’est plus un genre de « 11 septembre journalistique » qui s’est passé ce jour là.

Acte 2 (l’acte qui parle de cul)

Ce matin là, alors qu’une bonne partie d’Internet n’a jamais entendu parlu de Zoe Quinn, se branle le chapeau de Depression Quest, que RPS continue de défendre les forces femelles du bien contre les forces phallocratiques du mal vidéoludique, une tempête de merde inattendue s’abat sur la toile. Et comme c’est une belle grosse histoire de cul, ça ne gache rien.

Sur un WordPress (wesh salut cousin) ouvert pour l’occasion, TheZoePost, un certain Eron Gjoni ouvre la boite de Pandore et détruit accidentellement tout Internet en racontant sa liaison avec Zoe Quinn et surtout, sa rupture.

Et le mec il y va à fond ! Il poste des extraits de conversation (viol de correspondance, fuck la loi, c’est Internet, on a tout les droits), la traite de tout les noms, étale sa vie privée des sept derniers mois sur tout le web, et surtout nous précise que, oh la vilaine, pendant sa liaison de sept mois avec elle, elle se serait enfilée un minimum de cinq autre mecs, dont son propre patron, deux hommes mariés… et peut être d’autres mais elle sait plus trop, apparemment.

La grande classe mec ! Pense également à filmer ton procès !

Une fois que vous aurez fini de murmurer intérieurement « Oh la cochonne » ou « veinarde » selon votre point de vue, vous me direz que tout ça concerne la p’tite Zoe et elle seule, que son mec est un gros con, et que je me salis en en parlant. Vous aurez raison, sauf sur deux points : la première, c’est que je ne me salis pas vu que mon blog a toujours été de la grosse merde bien sale et que je n’ai jamais eu la moindre dignité. Vous m’autoriserez néanmoins un petit intermède : Zoe Quinn, qui a passé son temps à défendre la cause des femmes, a déclaré que les hommes qui trompent leur conjoint sont une engeance à vomir, n’a apparement aucun problème à s’enfiler cinq mecs et deux hommes mariés. Ca, c’est la première chose et le seule aparté racoleuse que je me permettrai.

Parce que la deuxième chose qui cloche, le putain de vrai problème, le truc qui schlingue de la moule, c’est absolument pas Zoe Quinn. C’est même pas son mec qui a eu un véritable comportement d’abruti et pénalement répréhensible en balançant tout ça sur le net.

Non, la tempête de merde, c’est parce que dans la liste des amants on retrouve un certain… Nathan Grayson.

Journaliste.

Pour Rockpapershotgun. Et pour Kotaku.

Mais attendez… le rockpapershotgun et le kotaku qui ont fait la promotion de Depression Quest ?

Oui.

TATATAN !


Acte 3 : La tempête de merde.

Je vous laisse imaginer la réaction d’Internet au sujet d’une nana qui se serait enfilé (je parle au conditionnel, parce qu’il y a un rebondissement par heure dans cette affaire) cinq gars ou plus dans le dos de son mec. C’est pas propre. C’est même un peu malsain. J’avoue que ça me ferait pas plaisir.

Mais bizarrement, ce n’est pas ce qui a provoqué le plus de réactions.  Car pendant ce temps là, la presse entière du jeu vidéo à chercher à sauver son propre cul. Une floraison d’article sont parus, défendant Nathan Grayson et bien sur Zoe Quinn, accusant le net d’être encore une fois rempli de monstres, de harceleurs professionnels. Sauf que c’est pas pour ça qu’Internet est en colère.

Internet est en colère parce qu’il a des journalistes de merde. Après les scandales de corruption, de chantage, d’influences douteuses, le doritos gate (la photo en lien résume tout) il fallait que les joueurs se tapent ça

Un journaliste de jeu vidéo en pleine interview. Photo authentique, sans montage. S’exprimant sur l’affaire, il n’a pas vu où était le problème.

Faut-il passer outre le fait que Kotaku explique qu’il n’y a aucun problème déontologique à coucher avec le sujet de ses reportages ?

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Et ce malgré des preuves photographiques et les allégations même de Zoe Quinn ? 

Mais ce qui aurait pu se limiter à Kotaku… ne s’est pas limité à Kotaku. Tout le monde s’est engouffré dans la mêlée, et la pauvre Zoe Quinn et devenu un genre de Verdun opposant les gamers en colère aux journalistes. La presse a souhaité résumé cela en « croisade sexiste contre Zoe Quinn » John Walker, le plus emblématique des rédacteurs de Rockpapershotgun s’est fendu de tweets indiquant que non, c’était juste une affaire privée et que quiconque mettait en question l’intégrité de la presse ferait mieux d’aller promptement se faire enculer.

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Acte 4 : On ne parle pas du Sex Club

Au delà de ça, parallèlement quelque chose de bizarre a commencé à se passer.

Des vidéos parlant de l’affaire ont été retirés de Youtube pour des motifs de Copyright

Motif invoqué : une « photo » du  « jeu » apparaissait… photo qui était déjà publique sur le site officiel de Depression Quest

Reddit a censuré la quasi totalité des messages en rapport avec l’affaire

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C’EST PROBABLEMENT JUSTE UNE ENORME COINCIDENCE.

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PROBABLEMENT.

Les sites et forum de jeux vidéos ont censurés en masse tout topic ouvert en rapport

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Des modérateurs ont reçu des demandes de « fermer tout les topics en rapport » et de « bannir toutes les personnes qui en discutent ».

Capture du 2014-08-21 17:46:06

D’autres développeurs indépendants n’hésitent pas à avouer publiquement qu’ils sont prêts à falsifier une procédure pour retirer du contenu contre lequel ils ne sont pas d’accord.

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Des journalistes tout aussi abrutis écrivent EN TOUTE LETTRE que peu importe que ce qu’ils écrivent soient faux, leur travail de journaliste est de défendre une noble cause. LEUR. TRAVAIL. DE JOURNALISTE.

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Le journalisme, c’est défendre une cause, et non pas vérifier ses infos ! Et ouais ! Prends ça Mediapart !

Bref, une machine de guerre s’est engagée. Une formidablement stupide machine de guerre. Déjà, parce que c’est trop tard pour l’effet Streisand (qui aurait lui même était contre productif) : tout le monde parle de cette histoire. Tout le monde en a parlé. Qu’espèrent les guerriers de la justice sociale ? Que cela ne se sache pas ?

Ensuite, parce que les motivations sont incompréhensibles, si ce n’est en dehors du refus total, absolu d’autocritique. Il n’a pas été question ici de dire que toute la presse était corrompue et couchait avec ses développeurs. C’est un cas isolé qui a été montré du doigt. En revanche, par son traitement de l’affaire, soit en insultant directement ceux qui se posaient simplement des questions sur la déontologie des journalistes de jeu vidéo, soit en tentant de censurer TOUT ce qui se passe, on a eu la démonstration par l’absurde qu’il y avait un réel problème. Le web vidéoludique a dépensé une énergie PHENOMENALE a nous faire comprendre qu’il était dans sa grande quasi-totalité, complètement à chier.

La défense de Zoe Quinn passe en outre de nombreux détails. Dans une vaine tentative de contrôle de son image et de se faire passer comme victime, Zoe Quinn s’est prétendue hackée sur son blog, que des photos de nus d’elle avaient mystérieusement fuité et que son identité et numéro de téléphone avaient été affichés publiquement.

Cette information a été reprise tel quelle par la presse vidéoludique, omettant le fait que les photos de nus avaient été publiées par elle même via un site professionnel, et omettant que le fameux numéro de téléphone était enregistré à Hawaii, lieu sans aucun rapport avec Zoe Quinn.

Oh, et d’ailleurs, Omettons le fait que Zoe Quinn a gagné un prix dont l’un des jurés était… probablement quelqu’un avec qui elle a couché. (Robin Arnott)

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Acte 5 : Pourquoi ?

A ce stade, on peut se demander pourquoi tout ce bordel est en train d’avoir lieu.

Tout le monde se fout que Zoe Quinn soit une mauvaise coucheuse.

Tout le monde savait déjà que Kotaku, c’était l’équivalent jeux-vidéo de France Dimanche.

Capture du 2014-08-21 18:01:28

La moindre ligne de texte de ce screen est à chier.

Par contre, que de soi-disants défenseurs du bien et de la justice sociale commencent à avoir un impact, infiltrent, et contaminent par leur idéologie la majeure partie de la presse vidéoludique anglosaxonne, là, ça la fout un peu mal.

Probablement parce que le jeu vidéo est en quête de légitimité. Je cherche, des explications philosophiques, logiques. Je n’en vois que peu, en dehors du fait que des hommes espèrent être bien vus de la cause féminine en accusant d’autres hommes de tout les malheurs du monde et en insistant bien sur le fait que eux, au moins, sont différents. Une sorte de syndrome de Stockholm. Pour tirer un coup. Peut-être.

J’y vois également un besoin de reconnaissance. Le jeu vidéo tellement décrié dans sa jeunesse pour des accusations de violence a depuis quelques années la vocation de se faire reconnaître en tant qu’art. Et pour ça, il faut véhiculer de bonnes valeurs. Qu’il y aie ou aie eu un problème de mysoginie dans le jeu vidéo, personne le niera. Que des petits dictateurs de la pensée unique cherchent à modifier le contenu de jeux, œuvres culturelles, pour satisfaire leur agenda ça me gêne un peu.

Ca me ferait chier que quelqu’un m’écrive que, dans un bouquin que je viens de publier, il n’y avait pas assez de femme, et que j’étais donc forcément un gros porc misogyne.
Ca me ferait également chier que si je prends un exemple stéréotypé féminin pour un article, je me fasse traiter de « petit nazi ».

Mais ça me fait surtout chier de voir qu’un loisir que j’affectionne a pour porte-paroles une bande de crétins, en armure blanche de pacotille, oubliant toute objectivité, tout sérieux, tout professionnalisme, et toute déontologie pour faire du clic, du buzz, et peut être parfois tirer un coup en toute hypocrisie.

Je me suis souvent demandé comment on pouvait appeler « journaliste » quelqu’un qui se contentait de ré-écrire les communiqués de presse des éditeurs, et de dire si oui ou non il avait aimé un jeu vidéo. Mais j’avoue que je n’aurais jamais cru qu’il soit possible d’arriver à faire ce genre de tache basique avec un tel manque d’éthique.

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