Préambule: Ce post sera probablement le plus long, le plus indigeste, le moins lu de toute l’histoire de ce blog. Qu’importe. Il me semble que c’est le plus nécessaire et le plus utile. Si j’avais eu du talent, j’aurais fait une vidéo explicative à la e-penser à la place. Ou pire, à la Usul. Promis, on reprendra le cours normal des choses très prochainement.
Lors d’élections serrées dans une configuration classique droite-gauche, (enfin, jadis classique), tirer des conclusions est généralement chose difficile. Les opinions, les analyses, les éclairages varient en nombre à peu près équivalent aux opinioneurs, aux analystes, et aux éclairageurs. Chaque région, chaque département, chaque commune présente une configuration qui est décortiquée de bout en bout. Les raisons de la victoire et de la défaite sont analysées pour chaque cas dans les détails, et souvent l’on transformera les victoires en défaite et les défaites en victoire.
En gros, le dimanche soir à 20h, c’est le bordel.
(Le soir des régionales, le « oui » l’a nettement emporté.)
Ca n’a pas été le cas, les 6 et 13 décembre derniers. Tout le monde était globalement d’accord. On savait qui gagnait, qui perdait, et qui a perdait mais qui en fait gagnait quand même. Et mieux encore, tout le monde semblait d’accord sur un point : la démocratie, ça va plutôt mal. Droite. Gauche. FN. Abstentionnistes. Votant blancs. Le sujet fait quasiment unanimité , chacun pour des raisons différentes. Certains se posent en victime du système : les abstentionnistes/blancs qui argumentent longuement que les dés sont pipés et que les élections ne servent à rien rejoignent d’ailleurs ici bien involontairement les thèses du FN, un parti qui à chaque élection remet en cause le fonctionnement démocratique en contestant soit l’absence de proportionnelle (le pourcentage de voix n’équivaut pas au pourcentage de sièges), soit un jeu médiatique défavorable, soit un « front républicain » qui ne représente rien d’autre qu’un anti-jeu électoral, et pour une fois, on sera bien d’accord avec eux.
Si tout le monde dit que la démocratie va mal, alors la démocratie va mal. Le raisonnement paraît tautologique, il l’est probablement un peu, mais pas tant que ça. L’idée est ici que si l’idée même de l’expression du vote, du choix, paraît absurde aux personnes qui ont le pouvoir de faire ce choix ou ce vote, par définition ce vote devient absurde. C’est une sorte de prophétie autoréalisatrice. Croyez donc que la démocratie va mal, elle ira, de fait, mal.
Mais si notre système démocratique est bien malade, les raisons ne sont peut-être pas celles auxquelles on pense forcément.
La démocratie va mal. D’ailleurs nous ne sommes plus en démocratie. Je l’ai vu dans une vidéo d’Anonymous : nous ne serions pas en démocratie, mais en oligarchie, car le pouvoir est détenu par quelques-uns, et oui !
Mais d’où le tiennent ils, ce pouvoir ? Et le détiennent-ils vraiment ? Repartons aux fondamentaux.
Dans les cours d’introduction en sciences politiques, avant de se répandre dans des considérations verbeuses parfois capillotractées , on définira souvent la démocratie par l’étymologie grecque du mot. Dêmos, le peuple. Kratos, le pouvoir. Comme ça, c’est clair. C’est le pouvoir du peuple. Vous noterez qu’à aucun moment cette étymologie ne décrit le fonctionnement démocratique ; elle indique la source du pouvoir, l’origine de tout : le peuple est la base du pouvoir démocratique. Cette définition étymologique ne précise rien d’autre que ça. Comment le peuple exerce t’il le pouvoir démocratique ? Mystère.
Autre définition souvent employée, celle d’Abraham Lincoln, quand il avait cinq minutes de libre entre deux attaques de vampires, faisait aussi de la politique. Souvent employée, parce qu’elle est simple, et qu’on avouera facilement qu’elle claque bien la gueule.
« La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. »
Ca a l’air de rien, mais c’est déjà beaucoup plus détaillé. « Du peuple » renvoit à la définition étymologique que l’on vient de faire. « Par le peuple » de son côté indique que ce dernier doit disposer des moyens de l’exercice démocratique, mais également de moyens de contrôle. Si la démocratie est exercée par le peuple, ce dernier doit pouvoir soit mettre les mains dans le cambouis lui même soit exercer le pouvoir de manière directe et/ou indirecte. « Pour le peuple » : le gouvernement se fait dans l’intérêt du peuple, et doit bénéficier à son ensemble, et non à un seul ou a une oligarchie.
A ce sujet, dans tout les bons cours de sciences politiques, on ressort souvent un tableau tiré de la typologie des régimes d’Aristote :
Regardons ce tableau et réfléchissons un instant : dans quelle case mettre la France ? D’après la vidéo d’Anonymous, nous sommes dans la situation d’une Oligarchie à savoir le gouvernement de quelques uns dans leur propre intérêt. On reviendra la dessus longuement. Pour d’autres, un peu moins pondéré nous sommes dans la situation du Despotisme . Vous l’entendrez à droite et à gauche sur Internet. La France est une dictature, Hollande c’est à peu près la même chose que Kim-Jong-Un, et il y n’y a plus aucune liberté de choix de toute façon.
Cette théorie est très rapidement et très facilement rejetable : pour commencer, personne ne peut oser prétendre que le président de la république française (quel qu’il soit) gouverne seul. Il a besoin de déléguer, et il a besoin à minima du soutien de l’Assemblée Nationale, même si l’on considère que c’est une simple formalité si celle-ci est acquise à son camp. Il faut également ne pas confondre l’omniprésence médiatique de quelques uns (suivez-mon regard…)
(Ah, ben, non, il est juste là.)
… avec ce qui se fait réellement dans les couloirs de l’Elysée. De plus, ultimement, le Président (et toute institution) reste limité par la Constitution qui contraint celui-ci à ne pas faire n’importe quoi. Une constitution se modifie, certes, mais uniquement après être approuvée par référendum ou par Congrès (assemblée nationale + sénat dans « une seule pièce », à Versailles) à la majorité des deux tiers.
Bref, il faut un soutien politique massif et à moins de considérer que le président arrive à gouverner par la peur son camp, il est inconcevable de dire que nous sommes en despotisme. Désolé, Hollande n’est donc pas un Tyran. .. sans parler qu’en plus des considérations propres à la France, il faut ajouter l’Union Européenne qui est capable d’imposer certaines choses dans une certaine mesure à la France.
Oui mais non.
De plus les alternances politiques augmentent le nombre de gouvernants et les rivalités internes : pas question de dire que le pouvoir est donc l’affaire d’un seul.
Nous avons donc éliminé la tyrannie.
La France est-elle une oligarchie ?
C’est un peu plus compliqué, mais pas beaucoup plus si on prend le temps de la réflexion, et une réflexion calme, mesurée, loin des envolées forumesques auxquels Internet nous a habitué. Nous allons de fait y répondre pendant tout le reste de ce poste. Mais bon, spoiler : en fait, non.
Pour commencer, il faut se méfier du poids des définitions. Si l’on se contente du sens strict des mots, sans replacer les choses dans leur environnement ou dans leur contexte, alors, par définition : tout système politique est une oligarchie. Une définition qui veut tout dire a de grandes chances de vouloir elle même… ne rien dire : Un tyran lui même gouvernera avec une clique : généraux dans les régimes militaires, bureaucrates en union soviétique, les exemples ne manquent pas. Tout les régimes dictatoriaux ont donc leur Nomenklatura, caste privilégié qui gouverne plus ou moins directement. Si c’est plus, c’est une oligarchie. Si c’est moins, c’est une tyrannie. En France, on retiendra souvent dans l’argument de l’oligarchie que : « c’est toujours les mêmes têtes », « c’est toujours les mêmes partis », « de toute façon les partis c’est pareil », « ils ont tous fait l’ENA. » , etc, etc.
C’est vrai.
Enfin plus ou moins.
Donc on est bien dans une oligarchie ?
Non.
Mais comment ça ?
On va rester, encore un petit moment, dans cette problématique de définitions. Certains jugeront que c’est plié les chevaux en quatre (oui.) sur le sens des mots, peut être. Mais quand on affirme que la France est une oligarchie, et non une démocratie, on joue également sur la sémantique.
Pour commencer un système oligarchique exclue par définition du pouvoir tout ce qui ne fait pas partie de l’oligarchie (tautologie, la encore). L’exemple le plus simple, c’est en France l’Ancien Régime : si vous n’êtes pas noble inutile d’espérer légaliser le cannabis. En France, si les ministres et présidents sont bien souvent Énarques, il est bon de rappeler que ce n’est pas toujours le cas. (Sarkozy ne l’était pas), et qu’en plus… il n’existe aucune obligation institutionnel à ce qu’ils le soient. Ces personnes qui occupent la scène politique sont certes, la plupart du temps, issus de la même classe et des mêmes milieux socioculturels. Mais quoi de plus logique, au fond, dans la mesure où existent des écoles et des formations dédiées à la formation de gouvernants (et, disclaimer, votre serviteur en a fait une, même s’il est loin, mais alors très loin d’être déjà capable de se gouverner lui-même (et ne parlons pas de son chien)) ? .
L’INSEE est optimiste pour l’avenir.
Pourtant rappelons rapidement des petites choses à propos de l’ENA et de Sciences Po, choses que l’on oublie souvent à une époque où cette dernière mise tout sur la discrimination positive : l’inscription au concours est quasi gratuite et totalement libre.
Oserais-je donc dire que l’ENA et Sciences Po sont compatibles avec la démocratie ? En fait, oui, carrément. Faites l’expérience… réussissez le concours, et euh, rentrez, que vous soyez fils d’ambassadeur ou de fermier. Croyez moi, je ne suis pas issu d’un milieu CSP++ . J’ai juste bossé, et j’ai été appelé.
Ensuite, si ces personnes occupent le devant de la scène médiatique, elles le font car elle disposent d’une base électorale. Coluche disait « Vous rendez-vous compte qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas ? » . Il n’est guère étonnant de retrouver les mêmes têtes, dans les mêmes partis. Si l’on veut voir d’autres têtes, peut-être faut-il changer de parti. Et ils sont nombreux en France. L’offre politique est pléthorique.
Et c’est sans parler du fait que l’offre politique ne se résume pas aux partis politiques : des mouvements, des associations peuvent présenter leurs candidats. Vous-même, seul, vous pouvez y aller pour peu que vos proposiez un programme structuré.
Alors, la clef de l’oligarchie est peut être à chercher du côté de la nerf de la guerre. L’argent. Vous n’en avez pas. Enfin, bon, vous en avez moins qu’un parti politique. Cependant, à l’époque d’Internet, vous disposez désormais des mêmes moyens de communication. La preuve, les vidéos « dissidentes » de personnes estimant que nous sommes en dictature…. ont des nombres de vues bien supérieures à celles des partis politiques.
Si vous arrivez à faire tourner à 13.5 millions de vue une vidéo de Cyprien, pourquoi n’arrivez-vous à pas faire tourner une vidéo politique ?
Parce que c’est chiant.
Mais s’intéresser à des trucs chiant (qui le sont, en fait, rarement), c’est certes difficile, mais c’est indispensable au fonctionnement d’une démocratie.
Il n’empêche. « Le système est vicié », continueront d’affirmer les uns et les autres. Et ils ne sont pas à court d’argument pour affirmer haut et fort que nous ne sommes pas en démocratie : selon eux, rien ne change, les gouvernants se maintiennent au pouvoir malgré leur impopularité, les patrons et les actionnaires gouvernent réellement le monde.
Pourquoi pas, après tout ? Qui oserait nier que la voix du patron de Total ou de Dassault pèse plus que celle de Mme Michu ?
Et puis, zut, on a pas commencé cet exposé en disant que la démocratie allait mal ?
Oui, rassurez-vous, j’ai pas lâché l’idée. La démocratie va toujours mal… ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas en démocratie.
Avant de réfléchir à pourquoi ça marche pas trop fort en ce moment, et maintenant que nous avons défini ce qu’est la démocratie… interessons-nous à son fonctionnement.
Faisons ici un petit aparté.
(Voilà, c’est fait.)
La démocratie semble sous-entendre que la Souveraineté , concept que l’on ne va pas développer à outrance, appartient donc au peuple. Elle n’appartient pas comme on peut le lire à droite et à gauche chez des contestataires aigris au pouvoir économique ou «au capital » : tout capital et puissant qu’il soit, il reste soumis aux lois qui émanent indirectement du peuple souverain. Un peuple souverain (ou une nation souveraine…) qui veut restreindre la marge de manœuvre du capital peut le faire, pourvu qu’il envoie au pouvoir des représentants en accord avec ces principes.
Les auteurs de sciences politiques différencient régulièrement la souveraineté populaire et la souveraineté nationale.
La souveraineté populaire, décrite par Jean Jacques Rousseau, s’appuie comme son nom l’indique sur l’ensemble du peuple. Et le peuple, c’est l’ensemble des citoyens vivants. Donc, dans une démocratie de souveraineté populaire, le gouvernement est exercé par le peuple et pour le peuple. Comme dans la définition de Lincoln. Mais le peuple étant tout puissant, ses représentants sont soumis à un mandat impératif : le peuple a la possibilité de retirer sa confiance à tout moment à chaque gouvernant. C’est probablement le régime souhaité par les partisans de Hollande Démission. Sauf que ces derniers s’apparentent davantage à des clowns qui considèrent que Hollande est coupable de « Haute Trahison », rien que ça. La Haute Trahison, on pourrait en parler longuement mais c’est tout de même quelque chose de largement plus grave que le « je l’aime pas, il y a encore du chômage, il doit démissionner. ».
Car Hollande, tout impopulaire qu’il soit, n’a aucune obligation de démissionner. La souveraineté populaire n’a pratiquement jamais été appliqué dans l’histoire de l’humanité, et en tout cas jamais à grande échelle, car elle est justement impraticable. Un gouvernement soumis aux aléas de l’opinion serait extrêmement instable, ce qui empêcherait l’établissement d’une politique durable.
Jean-Jacques Rousseau, c’est toujours l’occasion de faire des recherches Google sympas.
Pire encore, la souveraineté populaire constitue un danger pour la vision d’avenir : afin de rester élu, il importe à tout prix de faire ce que le peuple exige… peu importe que le peuple aie tort ou raison ! A vrai dire, selon Rousseau, le peuple ne peut pas avoir tort ! Le danger provient de l’immédiateté du mandat impératif : si un gouvernant n’obtient pas rapidement les résultats escomptés, ou prend des mesures d’abord déplaisantes mais dans l’intérêt à long terme de la population, il prend le risque d’être immédiatement destitué.
La souveraineté populaire est donc si dure à pratiquer que l’on a préféré utiliser un autre concept, nettement moins démocratique, que l’on appellerait la souveraineté nationale. Alors, la souveraineté nationale, en gros, c’est plus le peuple, mais la nation qui gouverne.
Et la nation, c’est un peu plus que le peuple… C’est un concept vaguement indéfinissable qui prend en compte l’histoire et la culture… On pourrait la définir comme étant « l’âme » d’un peuple, mais d’autres l’ont définis comme étant la somme des individus vivant, décédés, et ceux qui sont à naître.
Et là, c’est effectivement facile de faire faire ou dire n’importe quoi à des gens qui ne sont pas (encore) vivants. Mais ça a au moins un avantage : la prise en compte des générations futures dans la décision politique, et la relativisation de ses désirs immédiats, présents, et impatients dans le choix politique.
Dans un régime de souveraineté nationale, comme la France, on vote pour l’intérêt de la Nation. Pas pour son intérêt personnel. Et ca implique que oui, un président puisse être impopulaire à un certain moment, surtout dans une période de grande mutation des économies où chaque mesure sera forcément déplaisante pour un groupe ou un autre (Gouverner, c’est choisir.).
Qu’implique la souveraineté nationale ? Une certaine forme de sagesse et de recul par rapport aux événements. C’est certes moins démocratique que la souveraineté populaire, mais ça ne l’est pas forcément pour autant.
Et du recul, du calme, du zen ?
C’est pile ce qui nous manque.
Et la France alors ?
Dans un régime de souveraineté nationale, où l’on a donc accepté que le vote n’était pas tout puissant et qu’il fallait donc laisser un peu de champs libre à ses élus. la démocratie nécessite plusieurs conditions.
- Le suffrage
- Une constitution.
- Le pluralisme
- Le respect de la liberté d’opinion
Le suffrage, c’est le droit de vote. Notez que je n’ai pas parlé de « suffrage universel », et pour cause, c’est une vue de l’esprit. Même en France, le suffrage universel n’existe pas : les enfants n’ont pas le droit de vote, les prisonniers peuvent être déchus de leurs droits civiques, et certains adultes sont considérés comme « incapables ». En dehors de ça, il est assez étendu. Au suffrage que nous connaissons, on peut également invoquer deux alternatives. Le suffrage censitaire , seuls ceux capables de s’acquitter d’un certain impôt peuvent voter, puisque l’on considère que les pauvres… n’ont rien à perdre. Egalement, le suffrage capacitaire : seuls ceux qui sont « capables » ont le droit de vote. Aux Etats-Unis, cela a été utilisé pour empêcher les noirs de voter ; ceux-ci devaient être obligatoirement dans certains Etats capables d’expliquer un article de la constitution. Plutôt moche, hein ? Combien de français auraient le droit de vote si on leur posait une telle question ?
… Et si c’était là, que l’on commençait à toucher au cœur du problème ?
Prenons les dernières élections par exemple :
L’article indique qu’à 62 % , les enjeux nationaux ont prédominé pour le vote FN des régions : l’immigration, le terrorisme, et les migrants … dans les élections régionales ? Vraiment ?
Peut être aurait-il fallu avant de voter que l’on s’assure que l’électeur sache pourquoi il vote. Et ça n’est pas simple, quand la vie politique à la télé, ce sont les petites phrases, les images des déplacements, et quand les candidats à la région promettent sécurité et emploi alors qu’ils n’ont qu’une marge de manœuvre ridicule en ce sens.
Aussi, au suffrage, il serait peut être préférable d’ajouter certaines conditions, comme rendre l’instruction sur certains sujets obligatoires dès le collège. De même qu’il semble inconcevable de donner les clefs d’une voiture à quelqu’un qui n’a pas le permis, il est ridicule de confier la gouvernance à un peuple qui ne comprend pas pourquoi il vote. Pourtant, l’instruction civique dans les collèges et lycées est réduite à son strict minimum. Le fonctionnement des institutions est largement méconnu quand on obtient sa carte d’électeurs. Le rôle de l’Union Européenne ? N’en parlons pas. Les bases de l’économie et les grandes théories sociales ? La science économique est carrément en option !
Comment peut on simplement prétendre mettre son bulletin dans l’urne en ne comprenant ni pourquoi on vote, ni les mécanismes de bases qui régissent nos sociétés ?
Le problème est là. On commence tout juste à le toucher du doigt. Continuons un peu.
Une constitution : la 5ème république donne certes de prérogatives très importantes au président, et un rôle d’assistance aux ministres, il n’en reste pas moins que la base du pouvoir provient des parlementaires, et que le président ne peut pas faire ce qu’il veut, sauf lors qu’il prend les pleins pouvoirs via l’article 16 (à bien distinguer de l’état d’urgence). Pas de problème, on reste en république et en démocratie avec notre constitution.
(Nerds gonna nerd.)
Le pluralisme : le spectre politique en France, s’il est largement dominé par les LR et le PS, reste extrêmement ouvert. De l’extrême gauche à l’extrême droite, chacun à non pas son, mais ses partis. Si vous ne vous reconnaissez pas dans le spectre gauche droite, pas de problème ! Vous avez également des écologistes, des libertaires, et autres. Évidemment, beaucoup de ces partis occupent un temps d’antenne largement plus limité, mais uniquement parce qu’ils représentent une petite partie de l’opinion.
Pourtant, en 2015, l’opinion a accès à Internet et peut comparer toutes les idées, aussi diverses qu’elle soit.
Et pourtant, les partis classiques continuent de dominer le champ politique. Car ils emportent la très grande majorité des voix.
Bref, si vous ne voyez que le LRPS et le FN…. C’est parce que vous votez pour le LRPS et le FN.
… C’est… comment dire….. démocratique.
Le respect de la liberté d’opinion : en France, en dehors des appels aux meurtres, au Jihad, et tout ces trucs pas super nets, n’importe qui peut écrire n’importe quoi pour peu que cela ne viole pas non plus la vie privée et que ce ne soit pas diffamant. Regardons autour de nous : la presse est libre, et représente une certaine pluralité des opinions. Si vous êtes de droite, Le Monde vous paraîtra à gauche ; si vous êtes de gauche, Le Monde vous paraîtra à droite. En tout cas, il nous reste aussi Libé, Le Figaro, et des dizaines de quotidiens et hebdomadaires différents. Le Canard Enchaîné est libre. Minute paraît toujours. Charlie Hebdo aussi. La presse indépendante peut s’exercer aussi sur Internet, et on est tout à fait libre de lire parfaitement n’importe quoi et de regarder toutes les vidéos youtube, même celles de Dieudonné, sur le net’.
La France est donc un pays de liberté d’opinion. Tout les « censurés » du monde ne sont jamais parvenus à convaincre qu’ils avaient été effectivement muselés, et encore une fois, Internet rend caduque ce type d’argumentation.
Posons nous donc un peu calmement: on a une presse libre, on a une constitution, on a un spectre politique ultra large… et pourtant ça coince.
Comme mentionné plus haut, il y a un problème au niveau du suffrage, et il y a un problème au niveau de l’information et de la culture politique.
Et ça, bon sang ?
C’est la base.
Nous venons de démontrer que les outils sont en place. La « voiture démocratie » est là. Elle a son moteur (les institutions), ses freins (la constitution), son tableau de bord est efficace (les comptes de l’état et des collectivités sont publics), il y a des panneaux un peu partout qui indiquent les chemins possibles (les partis politiques), et l’autoradio vous informe de l’état du trafic. Comment expliquer que cette voiture va dans le mur ?
A cause de l’interface entre le siège et le volant.
L’électeur.
La crise de la démocratie ? TOUT est dans cette image.
Au bout du compte, l’électeur est seul responsable des représentants qu’il envoie. Il décide s’il portera au pouvoir des énarques, des fachos, des écolos, des plombiers, des comiques, ou des candidats de télé réalité. C’est lui qui tient le volant (l’urne).
Seulement, on n’a pas appris à l’électeur à conduire.
Alors, bon, on lui dit depuis le début du post à l’électeur : le mode d’emploi de la voiture, il est dans les livres et sur Internet. Oui, mais l’électeur s’en fout. L’électeur veut jouer à WoW. L’électeur veut voir Jeremstar dans son bain. L’électeur se marre devant Cyprien. Mais il ne va pas sur le site des institutions. Il ne lit pas Wikipedia, sauf les pages Game of Thrones.
L’électeur est il un con ?
Non.
Mais clairement, il s’en fout. Et comment lui en vouloir ? Il est maintenu dans une illusion constante. Il croit comprendre, après tout. Tout le monde s’exprime dans des termes si simple ! Les arabes, c’est des voleurs ! Les patrons, c’est des méchants ! Les chômeurs, c’est des assistés ! Tout ces messages sont diffusés par les médias qui VONT vers les électeurs. Le soucis, est qu’une démarche d’information provient d’un effort inverse. L’électeur doit aller à l’information, à la connaissance, ensuite il fera un choix éclairé. C’est plus difficile, cela demande un réel effort…
Mais c’est urgent. C’est très urgent. J’ai la flemme de faire une centaine de captures d’écran ; elles seraient inutiles. Il suffit de lire les commentaires de sites d’actualité pour avoir en permanence un florilège d’idées saugrenues, de désinformation, d’amertude, d’acidité, d’insulte, de xénophobie, de lieux communs. Le discours café du commerce s’est déporté sur Internet. Le manque de culture politique, économique et social de nos concitoyens s’expose désormais à tous.
Oh et puis zut, pourquoi faire de nouvelles captures ?
Que dire face à tout ça ? L’ensemble est assez désarmant. La faillite de la démocratie ? Cherchez la davantage dans les commentaires Internet que dans la langue de bois des élus, car ces derniers n’ont de pouvoir que parce que les commentateurs d’Internet leur ont confié. Cela, il ne faut pas l’oublier.
J’ai le souvenir de l’Internet des années 93 à 2000. Le début. C’est pas si vieux. A cette époque, le Web, c’était quelque chose de formidable. Une toute puissance que l’on payait à la minute et qu’il fallait donc rentabiliser à la seconde: échanger des idées, accéder à la connaissance, communiquer avec le monde entier. Internet était souvent comparé à une « autoroute de l’information », mais il fallait aussi y voir la plus grande bibliothèque du monde.
Et regardez ce que les internautes en font. Ca fait mal au cœur, vraiment.
Cela ne concerne pas qu’Internet d’ailleurs ; c’est davantage visible ici, mais le web ne fait que traduire des pensées réelles, des conversations dans lesquelles toute demi-mesure a disparu.
L’Etat d’Urgence et les écarts commis ? C’est la Dictature et les camps qui vont rouvrir.
Un spectacle de Dieudonné censuré ? C’est la censure, l’état totalitaire, la Corée du Nord.
Chaque problème semble désormais provoquer des réactions excessives. Le danger des extrêmes commence non pas dans certains partis politiques qui ont le vent en poupe, mais dans l’absence de mesure et de modération dans les idées de leurs électeurs. Au 21è siècle, tout s’accélère, mais les idées doivent garder une inertie. Un attentat ne doit pas nous faire basculer dans la société de surveillance. Un plan social ne doit pas faire basculer dans une économie planifiée. Une limite à la liberté d’expression n’est pas le signe d’un nouveau Staline.
On s’était bien foutu de sa gueule à l’époque, mais il avait peut être raison ce con…
En 2016, si je pouvais demander à la France de faire une résolution c’est de sortir du système « tout ou rien ». Que l’on cesse de considérer que si tout n’est pas blanc, tout est noir. Détendez-vous. Ca va pas si mal, la France. Il y a des chômeurs, ouais, mais beaucoup retrouvent du boulot. Ils ont un toit au-dessus de leurs têtes pour la plupart. Tout le monde n’est pas en train de se faire exproprier comme dans la crise des subprimes, Paris n’est pas un coupe-gorge, la 3ème guerre mondiale pas sur le point de commencer,
ZEN.
On respire.
Une petite heure de méditation avant d’aller voter ?
Et quand on aura retrouvé notre calme, on se reprend et on se demande comment à son niveau, on peut changer les choses. Et des choses à faire, il y en a pour aider à la démocratie.
Souvenez-vous d’un truc : l’information, c’est le pouvoir. Si vous ne voulez pas être manipulés, contentez-vous de sources d’information de qualité. Croisez ces cources. Étudiez le fonctionnement des institutions, les théories politiques. Ne fermez pas la page dès que vous lisez une ou des propositions qui ne vous plaisent pas. Faites le bilan. Est ce que ça vaut pas le coup de faire des concessions si le reste du programme politique vous plaît ?
Oui. C’est probablement très chiant. Mais tout a un prix.
Je n’en reviens pas d’avoir à expliquer des choses aussi basiques, mais il le faut. Vraiment. Il faut réexpliquer tout ça. Dans les collèges, les lycées,et même dans les facs où la vie associative et politique débute réellement. Le monde va trop vite et perd pied. Les idées, les opinions sont à fond les ballons, tout le temps, alors que les deux formations politiques majeures n’ont que des convictions molles.
On ne peut pas pas voter sans connaître la marche du monde et le fonctionnement des institutions. On ne peut pas avoir une opinion sur un programme économique si on n’a jamais entendu parler de théorie monétaire, de keynesianisme, et d’Adam Smith. On ne peut pas voter si dès que quelqu’un énonce une idée qui ne nous plait pas, on lui coupe la parole et on se met à le traiter de nazi en puissance.
Merde, c’est pas bien compliqué pourtant.
Allez, pour 2016, j’aimerais bien aussi autre chose : sortez d’une démarche négative. Arrêtez de voter « contre ». C’est complètement con. C’est pas ça, l’idée du vote, et c’est pourtant l’idée des dernières élections. Sarko au pouvoir ? Ben c’est pas terrible, je vote contre. Hollande ? Mince c’est pire, votons contre. Le FN est au pouvoir, et c’est toujours aussi nul ? Flute. Allo Cheminade ?
Voter contre, non seulement c’est facile, non seulement ça vous bouffera votre joie de vivre en vous empêchant de voir que oui, bordel, le ciel est toujours bleu, mais … à quoi ça sert en plus ?
Quelle force de proposition dans un vote contre ?
Et si on votait pour ?
Et si on lisait les programmes, que l’on formulait des idées à base de « Vous savez ce qui serait mieux ? Si on virait ça et qu’on remplaçait ça par ça ? » . Trouvez vos idées. Cherchez à changer le monde. Défendez vos convictions. Sagement, mais avec passion. Doucement, mais avec force. Pas la peine de manquer de respect à qui que ce soit. Pas la peine de chercher à mettre des quenelles. « Y’en a marre », c’est pas un programme politique. C’est pas un projet de société non plus. Zen.
Vous voulez votre monde meilleur ?
Informez-vous. Communiquez. Diffusez. Respectez. Votez. C’est tout simple, vraiment. Soyez actifs de vos destins. Proposez, avant de démonter.
Mais battez-vous en tout cas. Et votez. Si vous ne le faites pas, après tout, quelqu’un le fera à votre place de toute façon ; l’inaction ne remettra jamais en cause quoi que ce soit.