Oui.
Connaissez vous Bryan Lunduke ?
Bryan Lunduke est un Linuxien. Alors, je sais, ça ne donne pas envie comme amorce de billet. Ne partez pas les filles. Bryan Lunduke croit au logiciel libre et est l’une des voix qui le porte sur son blog, dans des conférences, et sur Youtube. Bryan est un original, capable de parler pendant des heures de ses vielles machines et combien elles sont supérieures aux machines actuelles. J’écoute régulièrement Bryan avec un mélange d’admiration devant l’enthousiasme débordant du bonhomme, décrivant l’actualité du monde informatique et libriste avec une bonhomie qui est désormais rare dans un milieu où ce qui est cool est forcément amer et cynique, et de consternation non-agresssive dès qu’il rentre dans une nostalgie que je ne peux néanmoins m’empêcher de trouver sympathique.
Et puis Bryan a fait cette vidéo.
Je n’ai pas besoin de vous dire de quoi ça parle, je n’ai pas besoin de la résumer. Sans préjuger de votre opinion personnelle, je sais déjà que vous sentez déjà l’odeur du sang qui s’échauffe.
Mais non, enfin Bryan !
Comment un libriste peut-il dire ça ?
Et bien sur l’argument imparable du libriste : « Et si les nazis reviennent, Bryan ? »
Mais Bryan a raison. L’anonymat sur Internet, c’est vraiment de la grosse grosse merde.
De manière très générale, les libristes sur Internet ne pratiquent que la politique du pire. Dès qu’il est question de normalisation et de régulation d’Internet, vous êtes systématiquement dans le camp du mal. Les situations hypothétiques vous seront renvoyés dans la tronche comme faisant état d’un monde totalitaire de censure intégrale.
Toute régulation d’Internet, tout contrôle, est perçu comme une attaque aux libertés fondamentales. La conclusion est souvent claire, la perception antidémocratique, et aboutit inévitablement a l’aliénation de vos libertés fondamentales.
La vérité, c’est qu’il faut peut être se calmer un peu.
Effectivement, Bryan, la censure et la responsabilisation des individus sur les propos qu’ils tiennent en ligne n’emmerde personne de décent. De manière générale, si en démocratie vous tenez des propos qui vous mettent face à des conséquences légales, si aucun forum, réseau social ou lieu d’expression publique n’accepte vos propos, c’est généralement que vos propos sont tendancieux.
En démocratie, là encore, on a jamais foutu personne au gnouf pour avoir dit que Macron n’était pas très gentil, ou que Mélenchon est un salaud.
Vous pouvez même écrire qu’il y a trop de noirs dans les adaptations Netflix de vos romans favoris. Ca ne fera pas de vous quelqu’un d’intelligent, de sensé, ou quoi que ce soit, mais vous avez le droit de le dire. Sans répression. Sans conséquence.
C’est quand cette frontière est dépassée que les problèmes commencent, et franchement, qui a envie de protéger ces gens ? Au fond, l’anonymat, l’absence de contrôle et de modération servent essentiellement à couvrir Roberto42 et Aragorn14 de toute responsabilité sur leurs propos. L’anonymat incite au troll.
J’ai le souvenir sur Twitter d’une personne qui me demandait, ainsi, pourquoi je ne tuais pas mes enfants moi même plutôt que de souhaiter la réouverture des écoles. Par exemple, hein. Pas la peine de rentrer dans les détails, on se passerait tous très bien de la contribution de ces personnes au débat public.
Au final, seule une catégorie de personnes profite de la non responsabilisation des propos tenus, et d’une absence de filtrage des conversations.
Les gros cons.
J’ai donc le tort de penser qu’un Internet sans gros con est un Internet plus sain. Faites donc l’expérience, et baladez vous dans les recoins « libérés » d’Internet. Ils sont de deux types : ceux qui luttent pour le maintien absolu des libertés en ligne, et sur lesquels on ne tient aucun propos inacceptable… Et ceux qui mettent en pratique l’idée. 4chan. 8chan. Stormfront. Jeuxvideo.com . Faites la publicité d’endroits pour leur absence de modération et la liberté dont on y jouit, et vous attirerez ceux qui ne sont les bienvenus nul par ailleurs.
Et observez avec joie la conversation s’y pourrir et les idées nauséabondes s’y répondre, avant de s’étendre par contage sur les autres sites et dans le débat public.
C’est donc paradoxal. La liberté totale sur Internet ne profite qu’a une alt-right et à des neo-fascistes anti-libertaires. Par crainte de l’arrivée au pouvoir d’une caste nauséabonde, nous leur offrons une plateforme d’expression et de diffusion hors pair.
En somme, pour protéger la démocratie et les libertés fondamentales , il faut également prendre des décisions paradoxales.
Il faut censurer.
Il faut modérer massivement.
Il faut responsabiliser (pénalement) les individus.
Lunduke au final ne loupe qu’une seule chose dans son analyse : le pseudonymat sur Internet, dans un pays libre, ne doit en aucun viser à vous protéger du judiciaire ou du gouvernement. Le pseudonymat doit vous protéger de votre voisin pervers, de votre collègue de bureau qui ne vous aime pas, ou de votre belle-famille dont vous ne voulez pas qu’elle sache que vous êtes le dernier fan français d’Amel Bent.
C’est déjà pas mal.
Mais ouais, pour le reste on peut y aller. On rigolait bien de Sarkozy il y a quelques années quand il parlait de « civiliser Internet »
… mais depuis, on a inventé Twitter.
Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel.
~Umberto Eco
Et si votre vie sociale se limite à Twitter et JV.com, faites le point sur votre vie, c’est urgent !
Ok Jean François.
Au vu de votre sèche réaction, je me rends compte que mon commentaire était fort mal formulé. Bien que j’utilise la deuxième personne du pluriel, je ne m’adressait pas particulièrement à vous, auteur du billet. Après tout, je ne connais absolument rien de votre vie et il serait très malvenu de vous juger à l’emporte-pièce. Voilà, désolé de m’être mal fait comprendre.
Ca me donne envie d’y réfléchir, youpi allons-y !
J’identifie 3 populations aux besoins/envies distincts :
– Les militants potentiellement oppressés :
Sources d’opinions engagées, de messages de sensibilisation, signaux d’alarme, d’appel à une réaction, etc.
– Les usagers standards in the middle :
Sources d’échanges constructifs et/ou récréatifs.
– Les gros cons cités dans l’article, potentiellement oppresseurs :
Sources d’échanges au mieux non constructifs, au pire oppressifs et dangereux.
J’exprime ça de façon concise pour schématiser, évidemment ça peut mériter d’être détaillé/complété mais je crois pas louper d’autre groupe important à prendre en considération, non ?
En tout cas j’ignore volontairement le groupe des journalistes totaux, qu’ils se démerdent. :3
Je vois ces 4 différents moyens d’identification possibles :
– Anonymat total :
Moyen d’expression libre pour le meilleur et pour le pire.
Répond au besoin des militants de s’exprimer sans craintes de représailles (d’où qu’elles viennent, individus comme institutions).
Répond aux envies des gros cons qui peuvent y exprimer leur part la plus sombre en toute impunité.
Sans intérêt évident pour les usagers standards.
– Pseudonymat total :
Le moyen le plus communément répandu.
Répond aux besoins/envies récréatifs pour les usagers standards.
Encore protecteur pour les militants, mais déjà potentiellement pris pour cible personnellement.
Favorise encore le comportement irresponsable chez les gros cons.
– Pseudonymat vérifié :
Moyen associé à l’identité réelle de la personne, qui elle reste confidentielle.
Pratique pour vérifier l’âge, et éviter ou du moins modérer les créations de comptes multiples, etc.
Moins protecteur pour les militants dès lors qu’ils sont pris pour cible.
Naturellement moins récréatif pour les usagers standards.
Mais déjà nettement plus protecteur contre les gros cons, dont l’exclusion est facilitée.
– Identité réelle :
Responsabilisation maximale, et protection contre l’usurpation.
Evidemment pratique pour les célébrités, qu’elles veuillent en faire un usage standard ou militant.
Moins pratique pour un simple usage récréatif.
Frein évident à l’activité des gros cons mis face à leurs responsabilités.
Attention je parle bien des modes d’identification uniquement, et volontairement sans parler des réseaux sociaux qui y sont communément associés : les réseaux sont libres de donner le choix entre plusieurs modes parmi ceux-là.
Par exemple Twitter met à dispo le pseudonymat total et l’identité réelle. Ah ! Et le pseudonymat vérifié aussi, je vois le compte d’arte avec son petit check. 😀 oui j’ai pas pris en compte la population des personnes morales mais osef rhôlala !
Bref, chaque solution répond aux besoins de certains et/ou aux envies d’autres, sans pouvoir convenir à tout le monde à la fois, c’est un constat déjà assez clair comme ça.
J’ai une réflexion un peu différente qui me vient en déroulant tout ça :
En fin de compte, est-ce que le problème des gros cons ne viendrait pas tellement du mode d’identification déresponsabilisant, mais plutôt des moyens de modération mis à la disposition de l’utilisateur ?
Par exemple si on reprend la plainte principale de l’article :
Les gros cons pourrissent le net, il faut qu’on se protège des gros cons, on veut plus avoir affaire à eux du tout.
La situation actuelle fait qu’en s’exposant à la lecture de commentaires publics, on s’expose aux commentaires de toutes les populations à la fois, gros cons inclus.
Mais qu’est-ce qui empêcherait un réseau social de procurer un contrôle plus fin :
– du tri du contenu en consultation :
Activer/désactiver l’affichage des commentaires de comptes non vérifiés.
– des droits de commentaire dans ses publications :
N’autoriser les commentaires qu’aux comptes amis, amis d’amis, et comptes vérifiés.
Déjà avec de simples règles de modérations comme ça, qui filtrent sur le mode d’identification, est-ce qu’on serait pas déjà vachement plus peinards ?
Est-ce que ça suffirait pas à contenter tout le monde ?
Voilà, j’ai poussé ma petite réflexion, vous en faites ce que vous voulez, moi chuis content de m’être fait mon avis. 😀
Un petit détails ( ou pas ) : on est tous le con de quelqu’un.
Merci pour ce super commentaire. N’hésite pas à en laisser d’autre !